Nouvelle loi sur les marchés publics – Le prix ne sera plus le seul critère d’attribution

Validée cette année par le Grand Conseil, la nouvelle loi cantonale sur les marchés publics, accompagnée de son ordonnance, devrait entrer en vigueur dès janvier 2024. Un changement important, qui permet à la branche de désormais profiter de l’inclusion de davantage de critères dans les processus d’appels d’offres pour décorréler le prix qui, après 25 ans de domination, a démontré sa vacuité. Ainsi, outre le prix, le nouveau cadre légal va comprendre des aspects tout aussi décisifs en matière de qualité, ainsi que de respect des conditions de travail et de bonnes pratiques en termes de formation.

La nouvelle loi sur les marchés publics, dont l’entrée en vigueur est prévue en janvier 2024, constitue un cadre légal plus complet. Si le prix reste un critère retenu dans l’attribution d’un mandat, il n’est plus prépondérant, car désormais la qualité doit être au moins autant considérée. Par ailleurs, les maîtres d’ouvrage devront également observer de près les atouts durables, sociaux et formateurs des entreprises. Une impulsion qui doit aussi permettre de garantir l’équité du marché. Le directeur de l’AVE, Serge Métrailler, détaille et analyse les enjeux de la nouvelle loi. Interview.

De manière générale, quel est le changement principal induit par cette modification de la loi ?

C’est avant tout une modification ambitieuse dont l’objectif est de mieux réguler la branche en encadrant plus finement les bonnes pratiques sur les marchés publics. Nous nous sommes beaucoup impliqués et de manière très anticipée en déposant notamment une motion bien avant le changement législatif fédéral, et ce de manière à garantir que le cadre légal devienne un véritable outil en faveur du respect de règles équitables pour toutes les entreprises. L’idée n’étant pas de pénaliser les acteurs qui ne respectent pas tous les critères qui seront désormais retenus, mais d’encourager les entreprises à s’améliorer en favorisant celles qui s’engagent réellement sur ces divers aspects.

Enfin, mentionnons encore que la branche a plaidé pour que soit introduite dans la nouvelle ordonnance une innovation tout à fait notable, en prévoyant une disposition pour les chantiers du génie civil dont les quantités inscrites dans la soumission sont « une estimation » et que, dès lors, le prix de la soumission et le prix final peuvent être très différents. Ainsi, calquée sur la jurisprudence relative aux devis d’architectes, pour lesquels un dépassement de 5 % est admissible, la différence de notation du prix devrait être très faible en vertu de l’incertitude des quantités et de la fluctuation du prix subséquente. Cette introduction serait novatrice et permettrait, face à cette variabilité, de se concentrer sur le critère qualité plus qu’essentiel pour ce type de travaux à mes yeux.

Serge Métrailler

Directeur AVE

Quels sont précisément les nouveaux critères qui entreront en ligne de compte dans le processus d’adjudication et que favoriseront-ils ?

Outre le prix et la qualité, il s’agira désormais d’observer attentivement les critères du développement durable, de formation mais aussi de capacités intrinsèques de l’entreprise en matière de ressources humaines, de structures et de capacités financières. Ces critères favoriseront les entreprises bien implantées et structurées et pratiquant une politique entrepreneuriale axée sur le savoir, le savoir-faire et le savoir-être. La décorrélation du prix et un engagement pour la qualité permettront également des relations plus sereines et des travaux exécutés dans la concorde.

Pour le Valais, c’est aussi un moyen de favoriser les entreprises locales qui offrent un service à la population et que l’on pourra également reconnaître à leur juste valeur grâce à ces nouveaux instruments. Evidemment, l’humain aura le dernier mot, mais j’ai confiance dans le bon sens de nos édiles.

Comment évaluer les aspects liés au développement durable ?

La question du développement durable est éminemment complexe. Même les experts du domaine ne sont pas tous d’accord sur les critères à retenir en priorité. Mais il s’agit notamment d’observer la proximité des entreprises avec l’emplacement du projet, à l’échelle cantonale, pour éviter des nuisances liées à d’inutiles trajets d’entités situées hors canton, sans parler des aspects sécuritaires et d’usure des infrastructures sans aucune plus-value pour le projet en tant que tel et pour notre canton de manière générale. Avec une moyenne de 18 collaborateurs par entreprise, les acteurs valaisans de la construction sont tout à fait dimensionnés pour assumer des travaux liés aux projets publics.

Le Canton devrait par ailleurs mettre à disposition des maîtres d’ouvrage et des entrepreneurs un outil numérique de calcul de bilan carbone applicable au lieu du chantier et aux transports de matériel, machines et personnes.

Et pour les volets de formation et de structure ?

Pour la formation, nous souhaitons naturellement favoriser les entreprises qui s’impliquent pour assurer la relève. Un point particulièrement important considérant la problématique qui persiste en termes de pénurie de main d’oeuvre qualifiée. Il s’agit en outre d’observer que ces entreprises formatrices se doivent d’être à jour sur les dernières techniques pour transmettre certes un savoir ancestral mais qui évolue constamment. C’est donc un gage supplémentaire d’exécution selon les règles de l’art. Et concernant leur structure, il faut bien entendu s’assurer que toutes respectent les conventions collectives de travail et s’acquittent des prestations sociales dues à leurs collaborateurs.

Comment contrôler le respect de ces bonnes pratiques, en particulier sur ce dernier point ?

Les entreprises sont tenues d’informer et de renseigner elles-mêmes les maîtres d’ouvrage sur tous ces éléments. Des sanctions peuvent bien sûr être prononcées en cas d’indélicatesses, par exemple si l’on se rend compte qu’un entrepreneur a falsifié ses déclarations sur un ou plusieurs critères, en l’excluant des marchés publics pour une certaine durée. Pour le volet structurel des entreprises et le respect de la CCT, nous maintenons la confiance déjà établie avec les commissions paritaires chargées des contrôles. Ces dernières seront par ailleurs incitées à faire preuve d’une certaine réactivité, en bénéficiant d’un délai de dix jours pour informer les autorités en cas d’infractions constatées.

Comment s’assurer que la nouvelle loi soit mise en œuvre par toutes les parties concernées dès son entrée en vigueur ?

L’État s’est engagé sur ce point en prévoyant de donner l’impulsion auprès des maîtres d’ouvrage et des entrepreneurs par l’organisation de séminaires et de règles des bonnes pratiques afin de leur permettre d’utiliser et d’observer ce nouveau cadre légal. Nous saluons dans ce sens l’effort réalisé par le Canton pour accompagner les acteurs de la branche dans cette réflexion.

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